Le logo de Leicester est un renard, d'où le surnom "Foxes" - Flickr.com/chelmsfordblue
Le logo de Leicester est un renard, d'où le surnom "Foxes" - Flickr.com/chelmsfordblue
À Leicester, le rugby a toujours passionné plus que le football. Mais, ce dimanche, les 330 000 habitants de la cité anglaise pourraient bien célébrer leur équipe de foot, prête à décrocher le premier titre de champion d’Angleterre de son histoire. Retour sur l’incroyable phénomène « Foxes ».

« La ville qui croît au miracle ». Dans son numéro du 20 avril dernier, France Football ne se trompait pas en consacrant pas moins de dix pages à l’étonnant leader du championnat d’Angleterre, Leicester. Dix pages à la mesure de la performance. Cent trente-deux ans après sa fondation, le club file vers le premier titre de champion du Royaume de son histoire. Il ne manque aux « Foxes » (Renards) qu’une victoire pour toucher le Graal. Celui-ci viendrait couronner la saison exceptionnelle de Claudio Ranieri et ses hommes, installés sur le trône de la Premier League pratiquement depuis l’ouverture du championnat, en août. « C’est une saison totalement folle d’une équipe plus que surprenante, explique Naïm Moniolle, journaliste à Sport365 et qui a suivi avec attention l’évolution des Blues. Au fil des matches, elle a pris confiance, s’est pris au jeu et comme on dit, les planètes se sont alignées pour elle. » Le parcours est linéaire. Sans accroc, ou presque. Leicester n’a perdu que trois fois en trente-cinq journées : à deux reprises contre Arsenal, et à Liverpool. Un miracle.

Il y a un an, avant la trente-sixième journée, Leicester occupait la dix-septième place du classement et venait tout juste de s’extirper de la zone de relégation après une série de quatre victoires consécutives. Dimanche après-midi, la ville du centre de l’Angleterre pourrait s’assurer le titre en cas de succès à Old Trafford, contre Manchester United, 20 fois champion d’Angleterre (un record). « Symboliquement, ce serait énorme qu’une équipe comme Leicester, avec des joueurs achetés low-cost (pas cher), soit sacrée dans le Théâtre des Rêves, sur la pelouse d’une équipe qui a déboursé près de 400 millions d’euros lors des deux dernières saisons », sourit Naïm Moniolle.

Old Trafford, temple parfait pour écrire l'histoire. @ CC - Sean MacEntee
Old Trafford, temple parfait pour écrire l'histoire. @ CC - Sean MacEntee

La victoire du foot passion ou la défaite du foot moderne ?

Pour être officiellement champion, Leicester doit prendre trois points sur ses trois derniers matches. À Manchester dimanche, le 7 mai contre Everton dans un King Power Stadium en fusion, ou à Stamford Bridge le 15 mai, sur la pelouse du tenant du titre, Chelsea. L’autre option repose sur un faux pas de son dauphin Tottenham, qui compte sept points de retard. Deux ans après une remontée en Premier League, les supporters se préparent donc à vivre « l’exploit du siècle ». Le dernier club en dehors du top 4 (Chelsea, Arsenal, Manchester United et City) à avoir été sacré, c’était Blackburn, en 1995.

À l’heure où le foot mondial est dicté par une hiérarchie presque inébranlable, où les principaux clubs européens se partagent stars et trophées, Leicester fait souffler un vent de fraîcheur, en rappelant à tous que l’argent n’offre pas toutes les garanties, ni n’assure les succès. « La victoire de Leicester, c’est celle du foot passion, clame Naïm Moniolle avant de tempérer. Mais c’est aussi et surtout la défaite du foot moderne. » En France, l’ultra-domination du PSG sur la Ligue 1 pose la question de la valeur des autres clubs. Or, en Angleterre, on voit que le dix-septième budget parvient à devancer toutes les fortes têtes du championnat le plus riche d’Europe. « Avec ses droits télévisé et ses contrats de sponsoring ahurissants, la Premier League a toujours été plus riche que les autres, poursuit le journaliste. C’est pour ça que les petites ou moyennes équipes ont un budget semblable à ceux des bons clubs des autres championnats*. Aujourd’hui, l’argent permet à des équipes moins prestigieuses d’avoir des prétentions. » Et la tendance devrait s’accentuer dans les années à venir puisque les droits TV du championnat anglais vont passer à 2,33 milliards d’euros annuels sur la période 2016-2019. Le dernier du championnat touchera ainsi 136 millions en mai 2017, soit plus que le champion de France.

Entraîneur de l'année en Premier League, Claudio Ranieri est l'homme de base de la saison de Leicester - Capture d'écran
Entraîneur de l'année en Premier League, Claudio Ranieri est l'homme de base de la saison de Leicester - Capture d'écran

La consécration de Ranieri

Si le niveau semble s’homogénéiser outre-Manche, personne n’imaginait qu’un club comme Leicester pourrait déboulonner le fameux « Big 4 ». La ville, située dans la région des Midlands de l'Est et autrefois conquise par les Vikings, n’attend qu’une chose… pouvoir célébrer leurs héros. Le triomphe — qui ne sera complet qu’une fois le titre acquis — de l’équipe du milliardaire thaïlandais Vichai Srivaddhanaprabha est surtout celui des hommes. À commencer par l’entraîneur, Claudio Ranieri, débarqué l’été dernier à la surprise générale après une expérience calamiteuse à la tête de la sélection grecque, où il n’est resté que quelques mois. Pari gagnant. « Ranieri, c’était un peu le ‘‘loser magnifique’’, lance Naïm Moniolle. Il a un petit côté Marcelo Bielsa (l’entraîneur de l’OM pendant la saison 2014/2015). C’est à dire qu’il a su faire bien jouer toutes les équipes qu’il a entraînées, mais il ne gagne presque jamais rien. » À soixante-quatre ans et après trente années passés dans le costume d'entraîneur, le palmarès du technicien italien n’affiche en effet qu’une Coupe d’Italie, une Coupe d’Espagne, une Coupe Intertoto, et deux Supercoupes (d’Italie et d’Europe). Alors, ce titre de champion d’Angleterre sonnerait comme une consécration pour Ranieri. Comme « une petite revanche », selon le journaliste de Sport365.

Ranieri a su relancer et transformer des joueurs de qualité moyenne. On pense à Ulloa, Albrighton ou au défenseur Robert Huth. D’autres se sont révélés, au point d’être nommés pour le trophée de meilleur joueur de la saison : le milieu international français N’Golo Kanté, que le légendaire manager mancunien Sir Alex Fergusson décrit comme « le meilleur joueur de Premier League ». Et le duo d’attaque acheté seulement deux millions d’euros, Jamie Vardy - Riyad Mahrez. C’est ce dernier qui a été élu par ses pairs en fin de semaine dernière. « L'histoire est incroyable, estime Naïm Moniolle. Il y a cinq ou six ans, Mahrez évoluait en CFA, Kanté en PH et Vardy en cinquième division anglaise. Mahrez a débarque à Leicester en Championship, il y a deux ans et demi. Il ne jouait même pas au début car il était barré par Nugent, puis par Ulloa. En France, personne n’en voulait. » 28 mois plus tard, l'Europe entière observe l'international algérien. Finalement, Leicester version 2015/2016, c’est lui qui en parle le mieux. « Notre secret ? Notre état d’esprit. On travaille si dur les uns pour les autres. On est comme des frères. On est partout sur le terrain, on ne lâche jamais rien. C’est ça, notre force ».

* Le budget des « Foxes » est estimé à 130 millions d’euros pour la saison 2015/2016, soit l’équivalent de celui de l’Olympique de Marseille, quatrième plus haut budget de France.

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